Entretien | S'équiper | Biennale mag

Dépliages par son commissaire

Florian Traullé présente l’exposition et nous en donne un aperçu par trois « cartes postales »

par Helene Fromen

La Biennale Internationale Design de Saint-Étienne dans son édition 2022 propose la troisième édition de Dépliages

Dépliages c’est une série d’expositions qui expliquent, décortiquent, comment les designers travaillent au quotidien. Dépliages se penche cette année sur nos corps avec une attention toute particulière sur la mode et le sport. Nos corps diminués, nos corps augmentés à tout âge, et dans tous leurs états, leur corps-à-corps avec l’objet industriel. Corps/accords est le sous-titre : c’est un clin d’œil à la manière dont Jean-Paul Gaultier nomme ses silhouettes dans ses défilés. 

Cette année, je propose de découvrir 40 créateurs et entreprises françaises qui font appel au design pour bifurquer, réinventer des objets, des systèmes ou des procédés plus ou moins gourmands en matières premières. Cette exposition se veut réaliste sur les méthodes et les matériaux que nous utilisons en 2022.

J’espère illustrer dans Dépliages le fait que la sobriété se manifeste sous toutes ses formes et parfois même exubérantes.

Florian Traullé, designer, commissaire de l’exposition Dépliages

Dépliages se déploie en quatre chapitres : 

- Hydrater : c’est un besoin vital. De plus en plus de designers cherchent à préserver, récupérer, contrôler et distribuer l’eau dont nos corps ont besoin pour grandir, avancer vite ou survivre. 

- S’habiller : c’est un besoin social et physiologique. Nous nous surhabillons, nous gaspillons beaucoup d’eau pour teindre ou laver nos vêtements. Vous allez découvrir des couturiers visionnaires, des entreprises de prêt-à-porter qui se réinventent à base de fripes ou de recyclage ou de surcyclage. 

- Dans la troisième partie, bouger, vous allez voir que ce besoin économique et de bien être nous permet d’explorer nos montagnes, nos mers, nos villes grâce au sport ou à la mobilité douce, qui contribue à faire baisser le taux de CO2 et nous remettre en mouvement. Donc vous allez voir des alternatives stylées qui nous protègent de l’humidité ou du froid grâce à des matériaux consciencieux. 

- Et la dernière partie, soigner, aborde un enjeu politique et social. Vous allez voir comment remobiliser nos corps malades ou accidentés. Il y a des innovations techniques pour soutenir, voire reconstruire nos corps et espérer une société plus inclusive.

Les bifurcations passeront par nos corps car ce sont eux qui, finalement, subissent l’impact des matériaux. Nos corps sont un marqueur du bien-être et aussi des mauvaises conceptions de certains objets. Économiser des matériaux, utiliser des matières plus consciencieuses ou biocompatibles, ça, c’est vraiment le futur et ce à quoi on doit réfléchir en tant que designer et en tant qu’utilisateur citoyen. Par exemple, certains objets comme le masque de Décathlon qui, à la base, était dessiné pour faire de la randonnée palmée, détournés pour sauver des vies pendant la crise du Covid. C’est toute cette intelligence de savoir bifurquer au bon moment, dans l’urgence que je cherche à partager avec vous. j’espère que cette exposition vous permettra de prévoir, d’anticiper les prochaines bifurcations industrielles.

Préparez votre visite avec toutes les infos sur l’exposition Dépliages sur le site de la Biennale Internationale Design de Saint-Étienne


Carte postale #1 : la robe Mariage mixte de Jean-Paul Gaultier

La robe Mariage mixte de Jean-Paul Gaultier permet d’aborder la bifurcation de genre. Les designers sont responsables des codes de genre que les objets qu’ils dessinent véhiculent aux utilisateurs. De nombreux créateurs l’ont compris. Aujourd’hui, à l’époque du iel, on ne peut plus se contenter de dessiner des perceuses bleus et des Barbies roses.

Gaultier, c’est un grand bifurcateur qui décide dès 2019 de réfléchir à la manière de poursuivre son entreprise. Et il confie les clés de sa maison de couture à des jeunes talents qui vont réinterpréter, « surcycler » les codes qu’il a mis en place pendant 50 années de mode.

Si on s’attarde sur cette silhouette, Mariage mixte, on voit tout à fait cet art que Gaultier a de mélanger le masculin et le féminin avec ces deux vêtements qui se superposent. 

Et puis, dans toute la partie Habiller, vous allez découvrir beaucoup d’autres manières de traiter le vêtement avec les problématiques qu’on rencontre aujourd’hui sur le manque de matières premières jusqu’à l’autre bout de la chaîne, ou, La Fameuse qui, elle, récupère des fripes et par un travail quotidien de recyclage, de « surcyclage », crée des tenues. Des collaborations assez improbables entre des grands noms du sport et des vêtements de prêt-à-porter retrouvés chinés dans des fripes.


Carte postale #2 : Le projet vision de Michelin

Concept Vision Michelin © Michelin, 2017

Le projet Vision de Michelin, c’est un pneumatique qui n’a pas de fin. Vous savez qu’aujourd’hui, on ne peut pas recycler les pneus ou difficilement. Les structures métalliques qui le constituent sont vulcanisées avec le caoutchouc. Et on ne peut pas séparer ces deux matériaux. Donc, à moins de broyer les pneus et de les enfouir dans le ballast des trains ou faire des pistes d’athlétisme, c’est très difficile. 

Les designers et la recherche chez Michelin se sont penchés sur ce sujet. Ils ont trouvé une solution, un projet pour emmener leur entreprise vers un horizon moins carboné et plus durable. Ce projet Vision reprend toutes les thématiques du pneumatique sans air, mais également de l’impression 3D. Et il utilise  des biomatériaux mis en forme d’une manière futuriste.


Carte postale #3 : La basket index-01 de Salomon

HAVEN Salomon x Index 01, 2021 © Salomon S.A.S.

Index01 de Salomon, c’est un projet qui va vous permettre de courir de manière plus consciencieuse. 

Vos baskets vous permettent de courir jusqu’à 500 kilomètres sans que vous perceviez de difficultés à courir. Mais malgré tout, les produits, les matériaux vont s’affaisser, notamment les mousses qui constituent la semelle. Et vous allez ressentir des douleurs tendineuses, ligamentaires ou osseuses. Que faire de ces baskets lorsqu’elles arrivent en fin de vie ? Une chaussure classique, vous pouvez l’emmener chez le cordonnier qui en prendra grand soin et la réparera sans problème. En revanche, pour la basket, c’est plus compliqué parce que les matériaux qui constituent la partie haute de la chaussure et la mousse sont de nature différente et on les colle d’une manière définitive, ce qui les rend irréparables.

Le projet Index de Salomon est un projet qui va permettre justement de séparer le polyester qui constitue la partie haute et la tige de la mousse de polyuréthane qui constitue la semelle. Ainsi les deux parties de la basket vont être recyclées dans deux réseaux différents. Avec le polyester de la tige on va pouvoir recréer du fil polyester pour tisser ou tricoter des T-shirts. Avec les granules de polyuréthane, on va pouvoir les réinjecter à une certaine quantité pour faire des chaussures de ski.

par Helene Fromen


⚠️
Votre navigateur est obsolète, l’affichage des contenus n’est pas garanti.
Veuillez effectuer une mise à jour.