Texte

L' expérience Tiers-Lieux

Olivier Peyricot

L' Expérience Tiers Lieux : Fork the world

Olivier Peyricot
Catalogue de la Biennale Internationale Design Saint-Étienne 2017, Working promesse, les mutations du travail

«Tout projet post-capitaliste requerra nécessairement la création de nouvelles cartes cognitives, de nouveaux récits politiques, de nouvelles interfaces technologiques, de nouveaux modèles économiques et de nouveaux mécanisme de contrôle collectif, afin d'enrôler les phénomènes complexes pour l'amélioration de l'humanité.» Nick Srnicek & Alex Williams

On parle depuis vingt ans de l'« entreprise libérée1 », de «structuration participative innovante » au coeur de l'organisation du travail. Cette innovation a émergé non pas dans les entreprises mais au sein de tiers-lieux2, c'est-à-dire de lieux autogérés, indépendants, organisés autour de pratiques amateurs expertes, dont l'animation est réalisée par des concierges de quartier et non par des managers issus des écoles de commerce : l'invention citoyenne plutôt qu'uniquement entrepreneuriale ! Les modèles développés dans les lieux d'apprentissage classiques sont percutés par l'invention des collectifs ; les ressources mises en commun deviennent des capitaux libres de droits et remettent en cause la sacro-sainte notion de propriété. Les dynamiques departage génèrent un flux intense d'actions, de prototypage dont l'une des grandes qualités est la réversibilité : à tout moment, le modèle peut être remis en cause, dans une sorte de préfiguration de ce que peut devenir une démarche de sobriété, menant à un projet écologique appliqué ; les tiers-lieux promettent d'en découdre avec les modes de travail et, plus loin, un projet de société. Les tiers-lieux sont des promesses auxquelles travaillent des individus, aventuriers d'une nouvelle forme de partage. Ils sont les enfants de Linux, du logiciel libre, de l'open mais aussi des écoles de design, des libertariens3, des « start-upers » mais aussi des punks à chiens, des anarchistes. Ils sont l'hybridation des marges technologiques et des marges sociales, là où s'inventent sans cesse des organisations du collectif et, par extension, les nouvelles organisations du travail. Enfin, l'idée majeure du tiers-lieu est que, dans chaque quartier, il existe un lieu de travail pour tous, ouvert, sans patron et sans salaire, un lieu où l'on ne parle pas d'« emploi », mais de travail, où l'on obtient ce statut désiré socialement de travailleur, comme un revenu universel. On peut y parler d'un accès au travail universel, qui échappe aux fluctuations incertaines de l'emploi, hors spéculation, dans des communs alors réactivés.Le tiers-lieu est probablement le plus important projet politique concernant le travail depuis celui du plein-emploi du xxe siècle. C'est un projet porté par des individus, des citoyens en contre-proposition au travail capté par le marché du travail. Observer et pratiquer le tiers-lieu dans sa mise en oeuvre, dans sa vie au quotidien, nous permettra de faire l'expérience de cette alternative bienvenue ,promesse d'une autre organisation possible du travail. Nous avons demandé aux tiers-lieux la Paillasse Saône, Myne et POC fondation, par l'intermédiaire de leurs «concierges » respectifs, d'accueillir une équipe de designers embarqués et une chercheuse-designer pour observer, participer et restituer au grand public la vie et l'organisation de ces lieux de travail alternatifs. L'expérience a démarré en mars 2016 pour se poursuivre au-delà de la Biennale, pourrendre pérennes ces organisations sur le territoire.


1 Tom Peters, L'Entreprise libérée. Liberation management, Paris, Dunod, 1993. 2 On se réfère à la définition donnée par Antoine Burret dans son ouvrage Tiers-lieux... et plus si affinités, Limoges, éditions Fyp, 2014. 3 Fred Turner, Aux sources de l'utopie numérique. De la contre-culture à la cyberculture. Stewart Brand, un homme d'influence, Caen, C&F Éditions, 2012



The Third-Place Experience: Fork The World

Olivier Peyricot
Catalogue Biennale Internationale Design Saint-Étienne 2017
Working promesse, shifting work paradiigm


«Any postcapitalist project will necessarily require the creation of new cognitive maps, political narratives, technological interfaces, economic models, and mechanisms of collective control to be able to marshal complex phenomena for the betterment of humanity.»
Nick Srnicek & Alex Williams



For twenty years now, people have been talking about the "liberated business1" and "innovative participatory structuring" in the organisation of work. This innovation has emerged not in business, but in third-places 2, that is to say self-managed, independent places, organised around expert, amateur practises, whose organisation is done by area care takers, and not by managers from business schools: citizens' invention, rather than just entrepreneurial! The models developed in conventional places of learning are being hit by the invention of collectives; there sources pooled are becoming royalty-free capital, and are questioning the sacrosanct notion of property. The dynamics of sharing generate an intense flow of actions and prototyping, one of the great qualities of which is transferability: at any time, the model can be questioned, in a kind of fore shadowing of what might become a process of sobriety ,leading to an applied ecological project; third-places promise to confront working methods and, furthermore, a social project. Third-places are promises which individuals and adventurers with a new form of sharing are working towards. They are the children of Linux, free software, open-sourcing, as well as design schools, libertarians3, "startuppers",and also gutter punksand anarchists. They are thehybridisation of technological andsocial margins, where collectiveorganisations and, by extension,new work organisations areconstantly being dreamed up.Finally, the main idea of thethird-place is that in each district,there is a workplace for all, whichis open, where there is no boss orsalary, a place where people don'ttalk about "employment", but aboutwork, where the desired status ofsocial worker can be obtained, likea universal income. Within it, wecan talk about universal access towork which escapes the uncertainfluctuations of employment,without speculation, in thus revivedcommonalities. The third-placeis probably the most importantpolitical project concerning worksince the full employment ofthe 20th century. It is a projectsupported by individuals andcitizens in counter-proposal tothe work harnessed by the labourmarket. Observing and practisingthird-places in our implementationand in our daily life will allowus to experience this welcome alternative, which is a promise of another potential way of organising work. We have asked the third-places of la Paillasse Saône, Myne and the POC foundation, through their respective "caretakers", to host a team of involved designers and researcher-designers to observe, participate in and reproduce the life and organisation of these alternative workplaces for the general public. The experiment started in March 2016, to continue after the Biennale, in order to make these organisations longlasting across the country.

1 Tom Peters, The Liberated Business. Liberation of Management, Paris, Dunod, 1993. 2 Referring to the definition given by Antoine Burret in his book Tiers-lieux... et plus si affinités [Third-Places... and maybe more] Limoges, Editions Fyp, 2014. 3 See Fred Turner, Aux sources de l'utopie numérique. De la contre culture à la cyberculture. Stewart Brand, un homme d' influence [At the sources of the digital utopia. From counter-culture to cyber-culture, Stewart Brand, a man of influence], Caen, C&F Éditions, 2012.