Le projet de recherche-création d’Emmanuelle Becquemin s’appuie sur des résidences et des expérimentations dans les espaces dits « naturels » autour des parcs nationaux et des politiques de préservation, de labellisations et de conservation alors que la disparition des entités naturelles est inéluctable.
L’expérience de ces territoires donne naissance à des protocoles mémoriels (récits, dessins, objets) dans une perspective hantologique dans lesquels l’acte de création est envisagé en tant que Cairn : balise, repère.
Le massif des Écrins porte les stigmates de la société hyper industrielle dans toute la force de sa lenteur irréversible. Dans les années 80, alors même que ne fait que se densifier l’exploitation intensive de ce milieu, dans ces grandes temporalités estivales et hivernales, les glaciers alpins débutent leur discrète agonie. Depuis quelques temps, aux chuchotements modérés de ses douloureuses transformations, se succèdent les fracas sonores du monde géologique et les silences du monde animal : chute des blocs de glace, effondrements des masses rocheuses du à la dégradation du permafrost, béances de nouvelles crevasses, vidange des lacs ou des poches d’eau jusqu’à présent retenus par des moraines, mais aussi silence des amphibiens, des criquets de torrents, des lièvres variables.
On dénombre la mort de la moitié des glaciers dans le Massif des Écrins : on sait désormais qu’au mieux, un ou deux survivront si la montée en température se stabilise.
Avril 2024 : Massif du Pilat
Le laboratoire chorégraphique de Laurent Chanel "Danser le milieu" dans le Parc Régional du Pilat fut l’occasion d’expérimenter un milieu géologique unique en France : les chirats ou coulées de blocs rocheux brisés sous l’effet de la gélifraction pendant les dernières formations glacières,
Les situations météorologiques extrêmes de ce séjour ont amené une rencontre avec le territoire très singulière. Cette expérience a donné naissance à un protocole mémoriel invitant à panser nos territoires et nos hybridations heureuses ou moins heureuses avec toutes formes de vies qui les constituent.
Juin 2024 : La vallée des Merveilles
Les vallées des Merveilles et de Fontanalbe, aux frontières italiennes, dans le parc national du Mercantour constituent une zone archéologique unique en Europe et sont le plus grand monument historique de France.
Sur 4000 hectares, et sur plusieurs milliers d’années, des femmes et des hommes de la proto-histoire ont gravé
plus de 100 000 signes à ciel ouvert autour du Mont Bégo, probablement
un haut lieu de spiritualité et de rituels autour de l’eau et du couple
primordial vache-taureau.
C’était il y a 7000 ans.
C’était le tout début de l’agriculture et de l’invention du joug. Selon Timothy Morton, dans Etre écologique, l’ère du Capitalocène commence avec deux outils, le joug et la charrue.
Mai 2025 : Péninsule de Snaefellness
S’abritant
dans les collines herbeuses, dans les roches, dans les volcans, le
Hudulfolk – le peuple caché – incarne une écologie culturelle et
spirituelle où le respect d’êtres invisibles engendre une relation
intime et respectueuse entre les humains et la nature.
Un
premier temps de résidence a eu lieu dans la péninsule de
Snaefellness afin de rencontrer des pierres qui hébergent les
Hudulfolks.
François Jullien, philosophe et sinologue, différencie la conception du paysage occidental et oriental par la manière dont le corps active la nature. "Le paysage concernera non plus tant la vue que le vivre" écrit-il. Dans les paysage sislandais, s’ expérimente continuellement, pour citer encore F.
Jullien, "ce qui est le propre d’un paysage (...) : nous faire appartenir au monde".
En arpentant le territoire à la recherche des pierres habitées, ces mots se sont éclairés d’un nouveau jour : le paysage vit et existe « réellement » pour les islandais.es, tramé par les existences du
«peuple caché », habitant les moraines, les herbes grasses et les
rochers.
Consultés ponctuellement pour la gestion de la Cité, leurs présences
possibles conditionnent les choix gouvernementaux qui sont fait par les
humain.es : ainsi, les travaux d’urbanisme ou d’habitations peuvent être
modulés et même suspendus.
De cette analogie entre les corps rocheux et les corps qui composent l’ensemble du vivant, ce projet de recherche-création vise à s’inscrire en creux du monde capitalocène et à penser à ce que pourrait être un « agir minimal » en instituant la création, qu’elle soit d’art ou de design, comme le lieu d’une expérience de l’hantologie.
• Résidence de recherche et de création au château d’Espeyran (Gard) sur une zone "Natura 2000" chartée "O.R.E" (obligation réelle départementale)
• Résidence de recherche et de création à l’OFB (Argelès) sur le parc marin du Golfe du Lion
• Résidence dans la Zone Natura 2000 du massif des Voirons porté par le centre d’art Villa du Parc (Annemasse)
• Voyage d’étude dans les Pouilles (1e trimestre 2026)
- Comment engager une pratique de création écosophique qui redéfinisse les rapports à la production (à l’agir et à ses effets dans le réel)
- Comment une pratique performative des usages construit une contre-fiction (le performeur fictionnaire)
- Si l’hypermodernité a imposé le « temps réel » en fabriquant un présent immédiat, privé de sa durée, quels gestes lui superposer ? Le temps, un matériau à modeler pour transformer et se transformer.
Dans la continuité de ce qui est mis en place au sein de l'équipe de recherche Spacetelling, ce travail de recherche-création articule les méthodologies des sciences humaines et sociales aux méthodologies de l’art et du design ― alliant recherche théorique (littérature, étude de terrain, analyse critique) et recherche pratique et artistique.
Association Envers des Pentes (Grenoble)
Chateau d’Espeyran (Gard)
OFB - Parc marin du Golfe du Lion (Argeles)