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Designer nos espaces domestiques

L’agence Plaid présente ses inspirations, contraintes et ambitions pour la scénographie de l'exposition At Home

par Coline Vernay

Plaid est un studio de design londonien dirigé par Lauren Scully et Brian Studak. © PLAID

Nous avons rencontré Brian Studak à Saint-Étienne alors qu’il supervise le montage final de l’exposition At Home. Son agence de design, Plaid, est chargée de sa scénographie.

Vous avez créé votre propre agence de design, Plaid : pouvez-vous nous dire quels sont vos principaux projets ?

Ma partenaire Lauren et moi avons quitté le Canada pour nous installer à Londres et étudier l’architecture il y a environ 20 ans. Nous avons fondé Plaid en 2011 à Londres. Après avoir travaillé dans différents aspects du design, la conception d’expositions nous a semblé tout à fait naturelle.

Nous avons réalisé un certain nombre d’expositions de design avec le musée du design de Londres, par exemple un projet il y a quelques années intitulé California, designing freedom qui portait sur la contre-culture des années 1960 en Californie et comment elle a influencé le design d’aujourd’hui à l’échelle mondiale. Nous avons également réalisé un projet avec la Tate Modern sur Anni Albers il y a quelques années. Nous avons travaillé avec la fondation Bauhaus à Dessau ; nous y avons réalisé une exposition sur l’artisanat et le modernisme. Nous travaillons régulièrement pour les mêmes institutions.

J’ai travaillé avec Jana Scholtze (co-commissaire de At Home) en 2008, lorsqu’elle travaillait au Victoria and Albert Museum de Londres sur l’exposition Cold War Modern. L’exposition portait sur le design après la Seconde Guerre mondiale et sur la façon dont la guerre froide, les frictions entre l’Ouest et l’Est, ont créé certaines façons de voir le monde et influencé le design. Nous sommes restés en contact et elle nous a appelés pour cette exposition, qui est un sujet et une exposition formidables.

At Home - Cartons © PLAID

Pourriez-vous décrire comment vous procédez pour concevoir une exposition telle que At Home ?

Notre travail consiste à créer des liens ! Les commissaires ou curateurs viennent nous voir avec un ensemble d’objets, de contenus et un espace dans lequel il va y avoir du public. Nous devons donc créer une connexion entre eux en travaillant l’espace.

L’espace d'exposition de la Cité du Design a été pour nous le principal moteur : il a beaucoup de caractère avec sa structure et la lumière qui entre par le plafond. Tout est de couleur grise et il y a une atmosphère particulière. L’espace d’exposition est très grand alors que le design domestique a besoin d’une certaine échelle. Nous avons donc décidé de commencer à regarder les choses à plus petite échelle pour donner un contexte aux objets. Au lieu de construire une maison au milieu de l’espace, nous avons construit plusieurs petites pièces à l’intérieur de cet espace que vous découvrirez en vous déplaçant. Certains objets sont exposés de façon visible et d’autres sont logés dans des structures plus petites. Notre objectif est de tout organiser de manière à créer des connexions entre les objets au fur et à mesure que l’on se déplace dans l’espace. 

Tout au long du projet, nous travaillons en étroite collaboration avec les commissaires. Le défi consiste à conserver l’ouverture de l’espace d’exposition tout en donnant aux visiteurs le sentiment qu’il y a un parcours clair. Une fois que nous disposons de cette sorte de structure globale, nous pouvons commencer à l’alimenter avec des concepts. Les commissaires nous guident dans ce processus ; elles ont travaillé pendant des années sur le contenu de l’exposition. Elles savent exactement comment elles veulent que les choses soient reliées les unes aux autres. Nous devions trouver l’élément primordial qui unifie toute l’exposition. Nous avons eu plusieurs approches différentes avant de choisir celle-ci. Nous avons ces bannières suspendues qui présentent chacune des sections. Et les éléments graphiques jouent un rôle très important pour relier le tout.

Nous avons été influencés par un récent projet de rénovation de notre propre maison pendant la période du Covid. Nous avons réalisé que tout ce qui entrait dans la maison arrivait dans des emballages de carton brun. Tout était une sorte de produit. Nous avons fini par utiliser ce type de carton et ainsi nous connecter à cette tendance à la marchandisation du design.

Vous avez aussi été influencé par les préoccupations environnementales croissantes. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Nous prenons aussi en considération notre empreinte carbone pour l’exposition. Nous nous concentrons sur le choix des matériaux, le carton, le bois tendre, des bois très simples qui poussent rapidement, en les utilisant efficacement. Nous évitons les matériaux comme le plastique et l’acier. Nous nous concentrons également sur la réutilisation.
 
Par exemple, nous avons récemment fabriqué des tables pour un musée à Oxford et nous allons utiliser une partie de ces tables pour une autre exposition qui aura lieu plus tard dans l’année à Londres. Nous commençons à réutiliser des éléments de différents projets dans d’autres projets. Maintenant, c’est un peu plus perméable, les choses ont commencé à bouger et cela se produit de plus en plus facilement maintenant. Nous ne le forçons pas : nous permettons simplement que ces connexions soient établies entre les projets. Et parce que notre agence a une certaine façon de concevoir, les choses peuvent se chevaucher un peu. La réutilisation fait désormais partie de notre processus.

Pour cette exposition, At home, nous utilisons des blocs de terre cuite de la dernière Biennale. Il y a donc ainsi une sorte de lien visuel entre notre exposition et la précédente. Nous les utilisons de manière légèrement différente, mais c’est une façon de réduire les déchets. C’est une façon intéressante d’établir un lien avec les bifurcations, dans la mesure où le design a la possibilité d’évoluer dans différentes directions.

Nous avons également travaillé avec les étudiants de l’Esadse pour créer le plafond. Dans l’exposition, nous avons un espace consacré à Enzo Mari et nous avons organisé un atelier avec les étudiants pour qu’ils recréent une chaise d’Enzo Mari, en ayant la possibilité de la modifier légèrement. Les chaises que les étudiants ont fabriquées seront intégrées à l’exposition pour que les gens puissent s’asseoir.

Certains des meubles que nous avons créés pour At Home pourraient être réutilisés. Nous avons créé ce que l’on appelle des parklets. C’est quelque chose qui est apparu au cours des 4 ou 5 dernières années. Les parklets prennent la place d’un espace de stationnement de la ville avec quelques bancs et des zones de plantation pour que les gens puissent s’asseoir et prendre un café. C’est devenu un sujet parmi les curateurs, comme un espace urbain d’un nouveau genre. Celui que nous avons conçu pourrait, après la fin de la Biennale, être utilisé ailleurs, avoir une autre vie…

At home © PLAID

Une autre question importante aujourd’hui est l’accessibilité : comment l’abordez-vous ?

Pendant la pandémie covid, nous avons développé des sièges accessibles pour les musées. Nous avons conçu les assises en partant de leurs accoudoirs : les chaises sont empilables et dotées d’accoudoirs robustes qui permettent de s’assoir et se lever plus facilement.

Nous nous spécialisons de plus en plus dans l’accessibilité. C’est un processus continu : d’une manière générale, il faut s’assurer que les personnes peuvent se déplacer d’un endroit à l’autre, qu’il y a suffisamment d’espace pour circuler, qu’il y a suffisamment de places pour s’asseoir, quand on regarde les vidéos par exemple – si le film dure plus de quelques minutes, il faut s’assurer qu’il y a un endroit où les personnes peuvent s’asseoir –, s’assurer que les affichettes sont assez grandes, les textes de présentation écrits assez gros... 

Pour At home, nous avons travaillé avec Margot Lombaert qui est une graphiste française. Nous travaillons avec elle depuis 5 ou 6 ans. Comme une grande partie de la conception de l’exposition est constituée de ces grands cartons, elle a travaillé à la création d’une identité graphique qui ressemble à des autocollants qui se collent sur le carton : cette idée de marchandisation traverse l’ensemble de l’exposition.

Pour découvrir la scénographie de At Home conçue par Plaid, rendez-vous ici sur sur le site de la Biennale.

par Coline Vernay


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