DNSEP Design mention Objet

Thomas Larbain

Le Graal

Le graal incarne pour chacun d'entre nous une image, un volume, une expression, un objet qui nous est propre. Communément identifié à la coupe du dernier repas de Jésus-Christ, il s'agissait à l'origine d'un plat à viande. Chrétien de Troyes fut le premier à introduire cette écuelle dans son roman Perceval ou le conte du graal au XIIe siècle. Malheureusement, il meurt avant de l'achever et la quête reste en suspens. De nombreuses personnes tentèrent de continuer, finir, réécrire son histoire pour lui apporter une fin. Par l'action de ces réécritures, l'objet se transforme, sa forme change, mais également sa mythologie et donc son sens. Le plat païen disparaît pour laisser place à la coupe de Jésus-Christ.

La conception plutôt singulière de cet objet, à transformé ma vision préétablie d'un processus créatif : un dessin, une maquette, l'objet échelle 1. Progressivement, j'ai accepté une fin, ne mettant plus un terme au projet, mais venant déclencher une réécriture, un recommencement voir une re-conceptualisation. J'ai établi un protocole de travail sous forme de quête dans lequel la réécriture a sa place et permet à mes objets d'évoluer dans des successions de séries. À chaque réécriture, le projet redémarre par un nouveau travail de dessin, de maquette, c'est une remise à zéro partielle.

Pour tester ce protocole, cinq objets, cinq « chevaliers de la Table ronde » ont été choisis avec des qualités qui leur sont propres :

— Une chaise en tant que pilier archétypal du design
— Un cadran solaire pour son côté anthropologique
— Une cafetière à piston pour son attachement au design industriel
— Enfin, deux objets associés à une mythologie forte : un miroir (le mythe de Narcisse) et un vase (le mythe du jardin)

À travers ce protocole, j'interroge la place du temps dans un travail de designer et l'instant d'aboutissement d'un objet. Sans finalité irréversible mes objets ne sont plus stables, ils évoluent, s'améliorent voire s'endommagent. Chaque série créée a ses qualités qu'ils lui sont propres, mais également ses défauts. La forme ne dépend plus de la fonction, mais de la réécriture. La fonction pour sa part n'est plus figée dans un contexte, créant parfois un non-sens. Progressivement, mon travail de designer devient une quête du graal, une recherche d'un idéal qui n'existe pas, d'un objet utopique qui tend à s'émanciper de la mode et de son temps.


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