DNSEP Art

Chloé Pechoultres

Ces photographies sont le résultat d’une accumulation d’un moment plus ou moins mis en scène ;  
ici quelqu’un ramasse du thym, là une jeune fille “ Ophélie ” flotte à la surface de l’eau, il monte les escaliers, elle danse chez elle, il joue de la guitare face à une photo de mariage, il sort de la piscine et s’allonge sur le bois, ils jouent aux échecs… des sujets anodins qui font quelquefois écho à l’histoire de l’art. 
Ces temps condensés par le montage, lient les sujets photographiés à leur lieu dans une saccade picturale pouvant rappeler Dynamisme d’un chien en laisse (1912) de Giacomo Balla ou le décalage de la performance Fase (1982) menée par Anne-Teresa de Keersmaeker et Michèle Anne de Mey sur la composition de Steve Reich.
Ces photos dont les strates s’interpénètrent dans un amoncellement coloré nous amènent à rechercher des éléments reconnaissables ; une main, un pied, comme une lamelle de pierre passée sous une lumière polarisée nous permettrait d’identifier les minéraux en présence.
Ces images n’attestent de rien, elles représentent des souvenirs, des sensations, le besoin de fixer nos fantômes.

Toujours dans une manipulation certaine de la matière, mes sculptures sont des associations dessinées de couleurs, de matières, de traitements, de formes et de géologie. Une fascination pour les multiples visages de la pierre et son travail. 

Un extrait du texte de Francis Ponge, Le Galet, 1942 :
"À l’esprit en mal de notions qui s’est d’abord nourri de telles apparences, à propos de la pierre la nature apparaîtra enfin, sous un jour peut-être trop simple, comme une montre dont le principe est fait de roues qui tournent à de très inégales vitesses, quoiqu’elles soient agies par un unique moteur. (…) La grande roue de la pierre nous paraît pratiquement immobile, et, même théoriquement, nous ne pouvons concevoir qu’une partie de la phase de sa très lente désagrégation. Si bien que contrairement à l’opinion commune qui fait d’elle aux yeux des hommes un symbole de la dureté et de l’impassibilité, l’on peut dire qu’en fait la pierre ne se reformant pas dans la nature, elle est en réalité la seule chose qui y meure constamment. En sorte que lorsque la vie, par la bouche des êtres qui en reçoivent successivement et pour une assez courte période le dépôt, laisse croire qu’elle envie la solidité indestructible du décor qu’elle habite, en réalité elle assiste à la désagrégation continue de ce décor. Et voici l’unité d’action qui lui paraît dramatique : elle pense confusément que son support peut un jour lui faillir, alors qu’elle-même se sent éternellement ressuscitable. Dans un décor qui a renoncé à s’émouvoir, et songe seulement à tomber en ruines, la vie s’inquiète et s’agite de ne savoir que ressusciter. Il est vrai que la pierre elle-même se montre parfois agitée. C’est dans ses derniers états, alors que galets, graviers, sable, poussière, elle n’est plus capable de jouer son rôle de contenant ou de support des choses animées. Désemparée du bloc fondamental elle roule, elle vole, elle réclame une place à la surface, et toute vie alors recule loin des mornes étendues où tour à tour la disperse et la rassemble la frénésie du désespoir. Je noterai enfin, comme un principe très important, que toutes les formes de la pierre, qui représentent toutes quelque état de son évolution, existent simultanément au monde. Ici point de générations, point de races disparues. Les Temples, les Demi-Dieux, les Merveilles, les Mammouths, les Héros, les Aïeux voisinent chaque jour avec les petits-fils. Chaque homme peut toucher en chair et en os tous les possibles de ce monde dans son jardin. Point de construction : tout existe ; ou plutôt, comme au paradis, toute la conception existe. "


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