DNSEP Design Mention ACDC_espaces

Lucas Rochet

Terrain de jeu a la française

Si le Playground désigne l’ensemble des terrains de jeux, terrains de sports et plus généralement les espaces ludiques ancrés dans un environnement urbain, au-delà de la multiplicité des architectures que peuvent revêtir nos équipements sportifs, un intangible traverse toutes propositions : l’aire de jeu. Quelques lignes tracées au sol, reconnaissables dans le monde entier ; des lignes entre lesquelles des règles particulières s’appliquent, le temps d’un jeu, bien que dans leur contexte, les lignes de courts sont presque invisibles. On sait qu’elles sont là et qu’il faut en tenir compte mais c’est une conscience périphérique. Et pourtant, dans cet espace aux limites parfaitement claires malgré leur matérialisation par un simple marquage au sol, beaucoup de choses se jouent, se négocient, se décident ; des affaires de la cité sont traitées, des conflits sont réglés. L'aire de jeu, tout comme le terrain de foot ou le jardin à la française, assure donc le rôle d'un espace public, d'un espace politique. Ainsi le terrain, l’espace d’une aire de jeu est envisagé dont l’emprise au sol est dictée par le tracé d’un terrain de football couplé au dessin d’un jardin à la française.
 
Un espace de jeux hybride derrière lequel se trame une forme de politisation de l’espace (public). Car si un tracé à la française est déterminé par les limites d’un terrain de foot : comment des espaces qui apriori semblent dépolitisés – tel un jardin à la française ou un terrain de sport – deviennent des espaces de rencontres, de conflits voire sont en fait des espaces politiques qui se pratiquent par un jeu de rencontre ? 
 
« Sculpture d’architecture » ludico-sportive visant à émettre une critique pour des terrains de jeux plus permissifs, une infrastructure singulière s’intégrant à l’espace urbain a donc été imaginée, s’appuyant sur les codes, les proportions et les usages de ces deux lieux, réinterprétés à travers un objet sculptural proposant un ensemble de modules qui invitent au jeu, permettent d’inventer de nouveaux usages, tout en favorisant la création de lien entre joueurs, spectateurs et passants. Pied de nez aux aires de jeu standardisées de nos parcs et squares, stéréotypés par des équipements généralement peu propices à l’épanouissement des usagers souvent limités aux mouvements répétitifs que leurs proposent ces espaces aseptisés, en invitant divers usagers à prendre part à ce projet, l’espace urbain se positionne comme un lieu d’échange autour du divertissement. Une manière de redéfinir des relations entre espace de jeu/de sport, espace-jardin/espace à palabre et espace public à travers une architecture où la dimension ludique favorise la rencontre. Sans règles préétablies, ce playground développe l’imaginaire et le dialogue pour inventer ensemble des règles, abolissant la frontière entre les notions de sport, d'activité physique et de jeu qui tend à disparaître.
 
Il s’agit de laisser place à la permissivité et à l’imaginaire collectif des usagers dans la conception de ces terrains d’aventure, d’offrir un espace de liberté aux activités de l’usager et surtout à tous les publics afin de produire un "espace vecteur " pouvant supporter des pratiques décloisonnées, multiples, dont le sport ne serait que l'une des composantes. Ce qui nous intéresse au-delà du sport, ce sont les " arts de faire " dont parlait Michel de Certeau : cette appropriation par tous de l'environnement urbain, à travers l'exploration de ses propres limites corporelles. 
A trois ans de l'ouverture des grandes manifestations sportives mondiales et parisiennes, ce projet cherche donc à interroger les liens entre sports et ville, entre architecture et jeu, entre l'histoire urbaine et les nouvelles pratiques de l'espace public. À parler de l’émancipation conjointe de la ville et du sport, de leur capacité à absorber des situations hybrides et des usages complexes, pour sans cesse se renouveler. Réaliser une aire de jeux spécifique et questionner les habitudes de conception de ces objets singuliers - à cheval entre urbanisme et design, pratique collective et individuelle, ménager plus de porosité entre le terrain d’aventures et l’espace public, imaginer des jeux pas seulement réservés aux enfants...autant de pratiques qui se conjuguent désormais avec notre nouvelle culture urbaine redéfinissant le rôle et le statut des grands temples sportifs mais interrogeant aussi toutes les constructions et aménagements de demain. 
Entre formes et figures, quand le jeu dessine la ville, se pose alors la question de la place donnée dans ces lieux à l’activité
sportive ? Au croisement entre performance individuelle et pratique collective, comment s'inscrit-elle dans l'espace urbain ? Et architecturalement: comment le jeu façonne-t-il des formes, des usages, des représentations ? Comprendre la ville par le jeu, c'est ouvrir la porte à une lecture sensible, "physique" de l'urbain, qui remet au centre la question du corps et de son déplacement dans l'espace. "
 
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Crédits : © S. Binoux


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