Alexia ROURE

Composer avec les limites prolonge mon mémoire intitulé Objet en ruine, dans lequel j'explore la poétique des ruines appliquée aux objets obsolètes. J’ai enquêté sur des lieux d’abandon comme les ressourceries, où s’entassent les déchets matériels de notre époque, pour comprendre les cycles de rejet. Mon terrain principal fut un parc informatique d’une entreprise stéphanoise en faillite, dont j’ai récupéré claviers, écrans, ventilateurs : les restes d’un système devenu muet.

À partir de ces ruines électroniques, j’ai développé des explorations matérielles mêlant tissage de câbles, étagères en tôles de clavier, modules clipsables, réinterprétation de ventilateurs, et expérimentation sur circuits imprimés. Je crée un langage plastique basé sur les contraintes techniques et esthétiques des déchet. Ces objets hybrides – à la croisée du domestique, du critique et de l’archive.

Ce projet ouvre des pistes : c’est une exploration, un parcours à travers les ruines matérielles de notre époque. En travaillant avec les restes du parc informatique d’une entreprise en faillite, j’ai voulu interroger la manière dont le designer peut composer avec l’existant, avec les contraintes, avec ce qui est déjà là.

Ces objets ne cherchent pas à réparer, mais à réinventer. Ils incarnent une nouvelle manière de faire du design : non pas en produisant du neuf, mais en révélant le potentiel caché de ce qui a été oublié, jeté, disqualifié. Ils sont à la fois porteurs d’usage, porteurs de récit, et porteurs de critique.

Face à l’urgence environnementale, à la prolifération des déchets électroniques et à la fuite de responsabilité organisée par nos sociétés, le designer ne peut plus détourner le regard. Il doit devenir médiateur de matière, traducteur de ruines, et auteur d’alternatives.

@Photographies par Alexandre Beltrand