Derrière la simplicité apparente des objets du quotidien se cachent des histoires. La Cité du design invite le public à découvrir la collection personnelle d’artefacts rassemblés de 2015 à 2025 par la designer Stefania Di Petrillo dans le cadre de sa chronique Objets trouvés pour M le magazine du Monde.

À travers la présentation à La Platine de plus de 150 objets qui ont su discrètement
s’imposer dans nos foyers, Stefania Di Petrillo rend hommage au design
du quotidien, souvent anonyme, et met en lumière l’ingéniosité et la
beauté discrète d’outils et accessoires
devenus incontournables et intemporels.
De la punaise à la bouilloire japonaise, du bec verseur au filet à
provision, en passant par le lit pliant, la gourde et la pince
multifonction, l’exposition
Catalogue des objets trouvés est une invitation à renouveler notre
regard sur ces petits riens de la vie de tous les jours.

Stefania
Di Petrillo est une designer, scénographe et directrice artistique italienne,
diplômée du Politecnico de Milan et installée à Paris depuis plus de 25 ans.
Son travail repose sur la
réinterprétation de l’objet, des matières et des techniques pour les inscrire
dans notre époque.
Passionnée par l’objet et par le geste
qui le crée, elle démarre la même année une chronique d’art de vivre pour M le magazine du Monde, intitulée « Objets trouvés » puis
« Écologiquement vôtre », dans laquelle elle met régulièrement en lumière des objets du
quotidien, beaux, durables et fonctionnels, comme une réflexion au long cours
sur ce qu’est un produit bien conçu.
De 2015 à 2025, Stefania Di Petrillo est partie à la
recherche de ces pépites du quotidien, a raconté leur histoire, dévoilé leur
richesse. En tout, de sont plus de 200 objets simples et utiles, apparemment
sans histoire et conçus souvent anonymement, qui ont été décrits dans sa
chronique.
Cette année, elle clôt cette aventure éditoriale, publie un livre
anniversaire aux éditions des Arènes, et présente à La Platine de la Cité du
design une grande partie de la collection d’objets qu’elle a constituée au cours
d’une décennie.
Ces objets sans visage, parfois très anciens, résistent au temps et aux évolutions de la société par la justesse de leur sens et leur ingéniosité. Ils sont le fruit de brevets ingénieux, de traditions locales ou de fabrication industrielle. Ils nous entraînent dans les quincailleries, les bazars, les hardware store du monde entier, formant une archive vivante de notre époque.
Site web de Stefania Di Petrillo

Ustensiles de cuisine, accessoires d’écolier, outils de
bricolage originaires de tous pays, les objets dénichés par Stefania Di
Petrillo au gré de voyages, dans des brocantes ou des quincailleries, se sont
imposés dans nos vies sans faire de bruit.
À la fois beaux, simples et utiles,
ils sont souvent respectueux de l’environnement et toujours révélateurs
d’intelligence. L’exposition nous transporte dans l’intimité de ces objets, qui
fait écho à la nôtre. Elle dévoile une démarche singulière : raconter les histoires d’un design anonyme, sans signature, où le nom du créateur s’est effacé ou n’a jamais existé. Cette approche, mêlant matières et gestes, propose un regard libre, léger et curieux sur le design. Alliant technique et poésie, Stefani Di Petrillo révèle, à travers la simplicité des choses, un design sensible et émancipateur.
À Saint-Étienne, cette exposition trouve naturellement sa place : elle résonne avec les objets anonymes des célèbres catalogues Manufrance, témoins eux aussi d’un design populaire et discret, mais chargé d’histoires, inscrit dans le temps et dans notre mémoire collective.
Aux quatre coins de l’exposition, dans une scénographie conçue par la
commissaire, des citations de designers, artistes et penseurs célèbres
rappelle la force du design de l’ordinaire.










Afin de marquer la fin de sa chronique dans M le Magazine du Monde, Stefania Di Petrillo a publié en septembre 2025 le livre Histoires d’objets aux éditions Les Arènes. On y retrouve une sélection de 120 objets, sublimés par le photographe Jonathan Frantini, avec lequel la designer a travaillé pendant les dix années de sa chronique.
Bientôt en vente à La Boutique et sur la e-boutique.
En savoir + sur Histoires d’objets

Corne de vache
Abbey Horn, Angleterre
C’est l’outil indispensable pour éplucher une orange (ou tout autre agrume) avec élégance et la déguster comme il se doit. On utilise d’abord le crochet pour entailler l’écorce à partir du sommet du fruit, en dessinant quatre quartiers. Puis on retire la peau avec le bout rond de l’éplucheur, qui servira aussi à éliminer le mésocarpe, la peau blanche et amère résiduelle. L’ensemble de ces opérations permet de peler l’orange sans perdre une goutte de son jus, ni abîmer sa sphère parfaite. Il devient alors facile de diviser les tranches afin de profiter de ce fruit d’exception. Fabriqué à la main en os ou en corne de bovin, l’orange peeler, qui nous vient d’Angleterre, résiste au temps et sa matière poreuse se patine joliment au contact des aliments.
On a souvent dit qu’un bon design doit prendre en compte toutes les composantes du problème à résoudre et ne pas se limiter à l’esthétique à tout prix, au gadget à la mode, à l’invention étrange même si elle n’est pas très fonctionnelle. Le bon design conduit donc à des objets qui, par leur équilibre entre matériaux, techniques, fonction et forme, se démarquent des modes, des styles, et durent dans le temps, jusqu’à ce qu’un nouveau matériau, ou une nouvelle technique, propose de nouvelles solutions pour la même fonction. Des objets dont le nom du concepteur n’est même pas connu. Je propose donc un Compasso d’Oro à des inconnus.

Coton
Filt, France
La maison Filt fabrique du filet depuis 1860. Réalisé à la main, il servait à l’origine à transporter les pommes de terre. Avec la révolution industrielle, la maison fournit l’aéronautique et conçoit également des filets de pêche, des hamacs et un filet extensible à provisions. Très usité jusque dans les années 1970, ce dernier se trouve ringardisé et disparait avec l’apparition du sac de caisse. Mais voilà qu’il revient à la mode depuis l’interdiction,en 2016, des plastiques jetables. Catherine et Jean-Philippe Cousin,les nouveaux propriétaires de l’entreprise, ont relancé sa fabrication à Mondeville dans le Calvados. Le savoir s’étant perdu, c’est une ancienne ouvrière qui a permis de reprendre le fil de l’histoire. Chaque modèle porte la signature de celui ou celle qui l’a réalisé.

Aluminium
Gräwe, Allemagne
La technique du fluotournage consiste à déformer un métal en le « fluant » entre un mandrin et une ou plusieurs molettes de façon à obtenir des pièces en symétrie de révolution de très faible épaisseur. C’est grâce à cette technique, proche de celle du potier, qu’est fabriquée cette grande salière « poids plume ». On introduit le sel en dévissant son large bouchon semblable à un pommeau de douche, et on arrose son plat. Elle est souvent utilisée dans les baraques à frites, le sel pouvant être remplacé par du sucre pour les gaufres et les beignets.
Aucune couleur ni décoration particulière. Une forme pure, quelques motifs, une façon sans artifice. Leur beauté ne cherche pas à s’imposer. En cette époque de beauté pédante, nous admirons particulièrement ces ouvres modestes. Dans les ustensiles les plus banals réside une étonnante beauté. Leur allure est sans prétention. Car ils sont faits pour servir, non pour se faire un nom. Comme l’ouvrier qui n’écrit pas son nom sur les belles routes qu’il construit, leur créateur ne s’est pas préoccupé d’y apposer sa signature. Ils sont l’œuvre d’anonymes.
Aluminium, acier laqué
Cramer, États-Unis
Depuis sa création en 1960, le Kik-Step (littéralement, « la marche que l’on tape ») est fabriqué par l’entreprise américaine Cramer. Il a facilité́ – et sécurisé – la vie de nombreuses personnes. Ce solide tabouret-escabeau en acier laqué cache sous sa jupe des roues qui favorisent son déplacement. Dès que l’on met un pied sur le tabouret, le poids du corps neutralise les roues montées sur vérins, ce qui garantit une grande stabilité, laquelle est renforcée par sa surface en vinyle rayé antidérapant. Enfin, les contours en caoutchouc noir évitent d’abîmer meubles et murs en cas de choc. Idéal pour une partie de tabouret musical !

Ce sont des choses apparemment d’une importance mineure, dont nous traitons ici. Des choses qui ne sont généralement pas prises au sérieux, du moins en ce qui concerne l’histoire. Mais comme en peinture, en histoire aussi, ce n’est pas l’importance du sujet traité qui compte. Même une cuillère à café reflète le soleil. Dans leur ensemble, les choses modestes dont nous allons parler ont bouleversé notre mode de vie depuis ses fondements. Ces petites choses quotidiennes s’accumulent jusqu’à former des énergies qui saisissent tous ceux qui évoluent dans le cercle de notre civilisation.
